Télégraphe Chappe

Le premier piratage de données ? Il est français !

Bien avant les cyberattaques modernes, la France a été le théâtre d’un tout premier acte de « piratage » de l’information.

Et ce, dès le XIXe siècle… grâce à un système de communication révolutionnaire pour l’époque : le télégraphe de Chappe.

Une innovation avant-gardiste

Inventé par Claude Chappe et ses frères, le télégraphe optique fut présenté en 1792 puis déployé à grande échelle sur le territoire français. Le principe ? Des tours équipées de bras mécaniques orientables, servant à transmettre visuellement des messages codés d’une station à une autre.

La première ligne opérationnelle reliait Lille à Paris et permettait d’envoyer un message court en à peine 9 minutes — une prouesse à l’époque.

Chaque message était codé à l’aide d’un système bien gardé : un livre de codes secret, composé de 92 pages contenant chacune 92 mots. Le positionnement des bras indiquait d’abord le numéro de page, puis le numéro du mot. Un procédé ingénieux… mais bien éloigné des standards actuels de chiffrement asymétrique !

 👉Pour en savoir plus sur ce système de codage : Le système de codage Chappe

1834 : deux spéculateurs et un piratage ingénieux

L’histoire prend une tournure inattendue en 1834, lorsqu’un duo d’hommes d’affaires, François et Louis Blanc, décide de détourner ce système à leur avantage.

À cette époque, les informations boursières circulaient lentement : les cotations de la Bourse de Paris étaient transmises par courrier, relayées ensuite dans la presse ou par les banques locales… avec plusieurs jours de retard selon la distance.

Les frères Blanc ont alors une idée (douteuse) : corrompre un agent du télégraphe à Lyon pour insérer un message codé clandestin dans les transmissions officielles entre Tours et Bordeaux.

Leur complice, posté à Paris, surveillait les variations de la rente à 3 %, une obligation d’État très populaire. À chaque mouvement significatif, il envoyait un signal à Lyon (des chaussettes pour une baisse, des gants pour une hausse !). L’agent complice transmettait alors un message dissimulé dans la ligne télégraphique officielle.

À Bordeaux, un autre complice, Pierre Renaud, ancien directeur du télégraphe de Lyon, décodait le message — probablement grâce à une copie du livre de code. Les frères Blanc, informés plusieurs jours avant tout le monde, réalisaient alors des opérations boursières très profitables.

Une faille dans l’intégrité… avant l’heure !

Ce cas est considéré par certains historiens comme le premier piratage de données de l’histoire. Et il touche un principe fondamental de la cybersécurité bien connu aujourd’hui : l’intégrité des données, l’un des piliers du fameux DICT (Disponibilité, Intégrité, Confidentialité, Traçabilité).

Mais à l’époque, aucune loi n’interdisait ce genre de manipulation. Résultat ? Les frères Blanc ne furent jamais condamnés.

Ce que l’histoire nous apprend

Ce fait divers ancien illustre avec brio un principe intemporel : une technologie, aussi avancée soit-elle, reste vulnérable sans gouvernance et sans contrôle rigoureux des accès.

Et vous, quelles mesures avez-vous mises en place pour garantir l’intégrité des données dans votre organisation ?

Sources